La naissance de l'islam, c'est d'abord l'histoire d'une femme, Khadija. La première épouse du Prophète, celle qui l'aimait quand il n'était qu'un jeune caravanier, celle qui avant tous lui a dit : "Moi, je crois." Le rayonnement de l'islam, c'est ensuite le combat de leur fille, la rebelle Fatima. Lorsque La Mecque devient trop dangereuse pour Muhammad, elle l'accompagne dans sa longue marche vers Yatrib, future Médine. Voilà l'hégire, qui marque le début du calendrier musulman. Mais après la naissance d'Hassan, le premier fils de Fatima, l'opposition entre chiites et sunnites se profile déjà à l'horizon. Fatima est celle qui a dit : "Nous pouvons." La transmission de l'islam, ce sera le rôle de la dernière épouse du Prophète, Aïcha. Après la mort de Muhammad, elle prend la plume pour diffuser sa parole. Considérée comme la "Mère des croyants", elle témoigne des conflits qui ensanglantent encore aujourd'hui le monde musulman. Elle est celle qui a dit : "Je me souviens." Cette intégrale réunit la trilogie des Femmes de l'islam.
Editions J'ai lu - ⭐️: 3/5 - Cultura - Amazon
J’avais découvert la plume de Marek Halter avec sa trilogie consacrée aux femmes de la Bible. Il y a dans son écriture une forme de douceur grave, de respect discret, qui m’avait profondément touchée. C’est donc avec beaucoup d’intérêt que je me suis plongée dans cette autre trilogie, réunie ici en un seul volume, consacrée cette fois aux grandes figures féminines de l’Islam.
Ce que j’aime, chez Halter, c’est cette manière de redonner voix aux femmes que l’Histoire a souvent reléguées à l’arrière-plan. Il ne cherche pas à les ériger en héroïnes idéalisées, mais à leur offrir une humanité pleine, entière. À travers Khadja, Fatima et Aïcha — trois femmes ayant marqué la vie du Prophète —, il nous propose une lecture nouvelle, presque intime, de la naissance d’une religion.
Le roman s’ouvre avec Khadja, première épouse de Muhammad. Veuve respectée, femme d’affaires influente dans une société dominée par les hommes, elle m’a immédiatement fascinée. Plus âgée que celui qui deviendra son mari, elle l’accompagne avec foi et lucidité, croyant en lui avant tout le monde. Il y a en elle une force tranquille, une sagesse profondément touchante. C’est sans doute la figure qui m’a le plus marquée.
Puis vient Fatima, leur fille. À travers ses yeux, on suit l’ascension de son père. Elle voit l’homme devenir Prophète, le père devenir guide. Elle porte en elle quelque chose de sa mère — une force muette, une loyauté vibrante. J’ai aimé cette posture, entre l’héritage et la filiation, ce regard presque enfantin sur un destin si vaste qu’il en devient écrasant.
Enfin, il y a Aïcha, seconde épouse du Prophète. Plus jeune, plus vive, plus politique aussi. Elle ne se contente pas d’assister : elle transmet, prolonge, porte la parole. Elle est le lien entre l’homme et sa mémoire. Une femme d’action, de conviction, au rôle trop souvent méconnu dans les récits traditionnels.
L’ensemble forme un triptyque cohérent, un récit ample, qui embrasse à la fois l’intime et le spirituel. Certes, j’aurais parfois aimé que l’auteur aille plus loin dans la subjectivité de ces femmes. Certaines scènes m’ont laissée sur ma faim, comme si les personnages restaient parfois figés dans leur rôle de témoin ou de pilier, plus que dans leur ressenti intérieur. Mais cela n’enlève rien à la beauté du projet, ni à la portée du roman.
"Tu l'as dit : je suis ma reine. Pourquoi deviendrais-je l'épouse seconde ou troisième d'un homme? Tu veux faire de moi une mère. Certainement tu pourrais m'en donner le plaisir. Mais c'est un plaisir auquel on peut résister, avant de l'oublier dans l'amas des années."
Lire les trois récits d’un seul trait a créé quelques longueurs. Non pas dues à la plume — toujours fluide et élégante — mais à la structure même du livre, pensé comme une fresque continue. On suit ainsi pas à pas le parcours du Prophète, et cette immersion prolongée dans une même temporalité demande parfois de la patience. Pourtant, cette lenteur participe aussi à l’expérience : elle ancre le texte dans une forme de méditation, une écoute respectueuse du temps qui passe.
Ce roman est évidemment traversé par la question religieuse, mais sans jamais basculer dans le dogme ou la démonstration. Il raconte, avec délicatesse, la diffusion d’une parole nouvelle, la disparition progressive des anciens cultes, les résistances, les conversions, les doutes. C’est une œuvre de transmission, à la fois historique et profondément romanesque.
J’ai refermé ce livre avec le sentiment d’avoir appris, mais aussi d’avoir écouté. Écouté ces femmes qu’on ne m’avait jamais vraiment racontées. Écouté leurs silences, leurs doutes, leurs élans. Et c’est peut-être cela, au fond, la vraie réussite de Marek Halter : nous inviter à tendre l’oreille à ces voix oubliées, et leur offrir enfin l’espace qu’elles méritent.
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