A la veille de la Première Guerre mondiale, un jeune officier pauvre, en garnison dans une petite ville autrichienne, est pris de pitié pour une jeune infirme riche. De cette pitié dangereuse découlera l'amour fou que porte Edith de Kekesfalva au lieutenant Anton Hofmiller.
Cet amour impossible finira tragiquement, dans l'évocation nostalgique d'une société bientôt condamnée par l'histoire.
Editions Le point - ⭐️: 5/5 - Cultura - Amazon
Il y a des romans qui prennent leur temps, qui s’installent doucement, presque silencieusement, et qui finissent par nous traverser. La Pitié dangereuse de Stefan Zweig en fait partie. Un roman dense, parfois long, mais que j’ai beaucoup aimé. Pour son intrigue, bien sûr, mais surtout pour ce qu’il aborde en filigrane : le handicap, la maladie, et tout ce que ces réalités font naître — en nous, entre nous.
L’histoire commence avec un jeune lieutenant qui, par maladresse, fait la connaissance d’une famille bourgeoise, et plus précisément d’Édith, la fille du propriétaire, dont la santé fragile entrave les mouvements. Ce qui aurait pu n’être qu’un moment gênant devient le point de départ d’un lien inattendu, d’une amitié délicate, fragile comme du verre. Autour de ce duo, gravitent un père attachant, une cousine vive et bienveillante, et ce sentiment trouble, ambivalent, qu’est la pitié.
“Jamais dans vingt-cinq ans, je n'aurai pu imaginer que les disgraciées de la nature, les malades, les trop vieilles, les exclues elles aussi puissent oser aimer.”
Zweig ne se contente pas de parler du handicap — il questionne ce que nous projetons sur les corps abîmés, sur la souffrance des autres. Il explore jusqu’où la pitié peut être réconfortante ou, au contraire, profondément destructrice. Il parle aussi de l’amour, mais à sa manière : en sourdine, en tension, sans jamais céder à la facilité du romantisme.
La médecine occupe aussi une place essentielle dans le récit : ses promesses, ses limites, ses tâtonnements. Zweig en parle sans jugement, avec nuance et gravité, comme on regarde un monde qui cherche encore ses réponses.
J’ai trouvé les personnages justes, profondément humains. Édith n’est pas une héroïne édulcorée : elle est vive, sensible, parfois cruelle. Le lieutenant, tout en maladresse et candeur, m’a touchée. Et tous les autres, même en retrait, donnent au roman sa richesse.
“Oui, mon cher lieutenant, il faut savoir dominer sa pitié, sinon elle cause plus de dégâts que l’indifférence”.
Zweig a cette capacité rare à conjuguer lucidité et émotion, cruauté et tendresse. Il regarde l’humain dans ce qu’il a de plus nu. Et nous laisse, une fois encore, un peu ébranlé·e·s.
Je vous recommande ce roman, vraiment. Pour ce qu’il dit. Pour ce qu’il fait ressentir. Pour ce qu’il laisse derrière lui, une fois refermé.
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