L' Énéide, Virgile




Après la chute de sa patrie, le prince troyen Enée entame un long et périlleux voyage qui doit le conduire en Italie où son destin est de fonder Rome. La déesse Junon s'y oppose et tente de le faire périr dans une tempête. Il s'échoue sur les côtes africaines où Didon, la reine de Carthage, s'éprend de lui et le supplie de rester auprès d'elle. Enée ne peut s'y résoudre et quand Didon à l'aurore aperçoit la flotte qui s'éloigne des côtes, elle se plonge dans le sein l'épée de son amant qui, parvenu à l'embouchure du Tibre après plusieurs années d'errance, luttera pour accomplir sa vie et finalement régner sur le Latium. Ecrite vers la fin du ier siècle avant Jésus-Christ, l'épopée latine de l'Enéide s'établit à la même hauteur où les Grecs avaient pu placer l'Iliade et l'Odyssée que Virgile d'ailleurs imite. Mais si, dans ces douze chants qui accueillent le merveilleux comme le tragique, les Romains pouvaient voir un grand récit de fondation, notre culture occidentale, de Didon et Enée de Purcell au «Cygne» où Baudelaire évoque Andromaque, n'a cessé de nous rappeler que l'étoffe humaine de ses héros et l'exception de leurs aventures appartiennent toujours à notre mémoire.

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💬 “Je chante les combats et le héros qui, le premier, banni des rivages de Troie par l’ordre du destin, vint en Italie, aux bords du Lavinium.”

L’Énéide, ce texte inachevé que Virgile voulait détruire, a survécu grâce à l’empereur Auguste. Et tant mieux. Parce que, sous ses airs de grande épopée destinée à glorifier Rome, c’est avant tout une œuvre profondément humaine, un récit qui parle de choix imposés, de sacrifices, et de la douleur d’aimer.

Énée, héros malgré lui, avance non pas par envie, mais parce qu’il n’a pas le choix. C’est un homme qui subit son destin, tiraillé entre sa mission et ses propres pertes. Mais ce sont les figures féminines qui m’ont bouleversée.

Didon, d’abord. Reine puissante, elle devient l’incarnation même de la vulnérabilité quand l’amour s’en mêle. Son histoire avec Énée n’est pas une romance, mais une tragédie : aimer quelqu’un qui s’en va, parce qu’il en a reçu l’ordre. À travers Didon, j’ai vu une femme piégée par ses sentiments, abandonnée et consumée.

Et puis Andromaque, toujours attachée à la mémoire d’Hector, son mari défunt. Elle m’a touchée par sa fidélité et sa dignité dans un monde qui ne cesse de lui rappeler ce qu’elle a perdu. Didon, Andromaque, ces femmes aiment, mais leur amour les condamne. Elles subissent, non seulement les décisions des dieux, mais aussi l’intensité de leurs propres émotions.

Pourquoi lire l’Énéide aujourd’hui ? Parce qu’elle nous parle encore. Derrière l’apparente grandeur des épopées, il y a ces moments d’humanité brute : le poids du destin, l’injustice de l’amour à sens unique, la force silencieuse des femmes qui restent, quand tout s’écroule.

Virgile, avec sa poésie accessible et lumineuse, donne à voir ces émotions universelles. Et si l’idée de lire un tel texte vous intimide, je vous rassure : ce n’est pas un monument poussiéreux, mais une porte ouverte sur des histoires qui résonnent encore.


🖼️  Le banquet de Didon et Enée / Charles Le brun (1619 - 1690)




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