Andromaque - Racine
Depuis la mort de son mari Hector, tué par Achille lors de la guerre de Troie, la belle Andromaque est prisonnière de Pyrrhus, roi d'Épire et vainqueur du conflit. Fou amoureux d'elle, et alors qu'il doit épouser Hermione, fille du roi de Sparte Ménélas, Pyrrhus tente l'impossible pour séduire Andromaque. Déchirée entre le désir de rester fidèle au défunt Hector et l'espoir de protéger leur fils Astyanax, elle se résout à accepter la demande en mariage de son geôlier. Hermione, furieuse, fomente dans l'ombre sa vengeance..
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Il est des tragédies qui se lisent comme on écoute une vieille mélodie : familières, mais toujours bouleversantes. Andromaque, troisième pièce de Racine, en fait partie. Une œuvre en cinq actes et en vers, où les cœurs s’entrechoquent et les destins s’effondrent, portés par un résumé que l’on pourrait presque réciter comme un poème : Oreste aime Hermione, qui aime Pyrrhus, qui aime Andromaque, qui aime Hector… et leur fils. Une tragédie des amours impossibles, où chacun court après un fantôme.
Ce qui m’a marquée, c’est la profondeur de ces figures écartelées par leurs passions. Andromaque, d’abord. Fidèle à Hector au-delà de la mort, elle incarne une version intemporelle de l’idéal féminin : une Pénélope grecque, veuve protectrice et mère courageuse. Elle ne ploie ni sous les menaces ni sous les suppliques, campée dans une fidélité qui la rend presque sacrée. Et puis, il y a Pyrrhus. Certes, il joue dangereusement avec le destin de celle qu’il aime. Mais j’ai été frappée par sa patience, presque sa vulnérabilité. Loin d’être une brute héroïque comme son père Achille, il accepte les refus d’Andromaque et attend, même lorsqu’il devine qu’elle ne cédera pas.
“La mort seule a rendu votre père immortel. Il doit au sang d’Hector tout l’éclat de ses armes; Et vous n’êtes tous deux connus que par mes larmes.”
Racine tisse un jeu de miroirs fascinant entre le destin de Pyrrhus et celui d’Achille. Là où son père tua Hector, c’est la veuve d’Hector qui provoque, malgré elle, la chute de Pyrrhus. Les parallèles se poursuivent avec Oreste et Hermione. Oreste, aveuglé par l’amour qu’il porte à Hermione, fait écho à Paris, autrefois séduit par Hélène, mère d’Hermione. Et Hermione, justement, aime un Pyrrhus idéalisé, un homme qui n’existe pas vraiment. Elle aussi court après une ombre, tout comme Andromaque.
“Andromaque m’arrache un coeur qu’elle déteste. L’un par l’autre entrainés, mais courrons à l’autel nous jurer malgré nous un amour immortel.”
Au cœur de cette tragédie, les thèmes de l’amour et du pouvoir s’entrelacent. Pyrrhus, souverain grec et fils d’Achille, incarne le poids des héritages familiaux et politiques. L’amour, lui, consume tout : Oreste est prêt à tuer pour Hermione, Pyrrhus à trahir son peuple pour Andromaque. Mais ces passions se heurtent toujours au refus ou à l’impossible, rendant l’issue inéluctable.
Lire Andromaque après ou avant celle d’Euripide, c’est découvrir deux versions d’un même mythe. Euripide raconte une autre Andromaque, qui n'a presque pas la parole. Racine, lui, en fait une héroïne tragique, presque divine. Deux œuvres, deux visions, mais une même douleur : celle d’aimer, encore et encore, sans retour.
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